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Pour un permis d’intelligence artificielle

Pour un permis d’intelligence artificielle

“On ne donne pas un scalpel à celui qui ignore l’anatomie, ni un réacteur nucléaire à celui qui ignore la physique. Pourtant, on confie l’intelligence artificielle à tous, sans préparation.”

L’intelligence artificielle est souvent présentée comme une révolution technique, un saut comparable à l’électricité ou à l’imprimerie. Mais elle est, plus profondément, une révolution cognitive : pour la première fois, un outil capable de raisonner, d’écrire et d’apprendre est placé entre toutes les mains, sans apprentissage préalable, sans garde-fou, sans conscience de sa portée.

Cette ouverture totale est à la fois un acte démocratique et un vertige. Car on ne donne pas un scalpel à quelqu’un qui n’a jamais étudié l’anatomie, pas plus qu’on ne confie un réacteur nucléaire à celui qui ignore les lois de la physique. L’IA, pourtant, est un instrument bien plus puissant encore : elle agit sur la pensée elle-même, sur les mots, les idées, les croyances, les raisonnements.

Il ne s’agit pas de restreindre, mais de responsabiliser. Un « permis d’intelligence artificielle » ne serait pas un privilège réservé à quelques-uns, mais une initiation au discernement : apprendre à interroger, à douter, à vérifier, à comprendre ce que l’outil fait — et ce qu’il ne fait pas. Tout le monde aurait droit à ce permis, à condition d’avoir pris le temps d’apprendre ce qu’est une donnée, un biais, une source, une inférence.

On confond souvent liberté et absence de cadre. Mais la liberté véritable ne consiste pas à tout pouvoir faire ; elle consiste à savoir ce que l’on fait. La maîtrise précède la liberté ; l’éducation précède la compétence.

L’IA est un miroir : elle reflète la qualité intellectuelle de celui qui l’emploie. Mise entre les mains d’un esprit curieux, elle devient un formidable amplificateur de connaissance. Mais donnée sans préparation, elle se transforme en amplificateur de vide — produisant des torrents de texte sans pensée, de bruit sans lumière.

Un permis d’intelligence artificielle ne viserait donc pas à exclure, mais à élever. Il rappellerait que le savoir est un droit, mais aussi une responsabilité. Et qu’avant de déléguer notre raison à une machine, il nous faut d’abord apprendre à raisonner nous-mêmes.


— Michel Semon, 2025

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